« Retour vers le Futur », « Star Wars », « Le Seigneur des Anneaux », les incontournables de Walt Disney ou de Dreamworks… Vous connaissez très probablement l’ensemble de ces films. D’ailleurs, il suffit bien souvent d’une réplique ou d’une voix pour identifier ces grands classiques, et raviver les émotions qu’ils nous avaient procurées au premier visionnage ! Ces petites madeleines de Proust, auxquelles on tient tant, nous les devons en partie à la société de traduction audiovisuelle, qui se cache derrière tous ces grands succès internationaux.
Partons ensemble à la rencontre de Dubbing Brothers, la plus grande société de traduction audiovisuelle française !
Petite histoire de la traduction audiovisuelle et du doublage
Trop souvent ignoré, le travail de doublage et de traduction audiovisuelle réquisitionne toute une équipe devant travailler de concert dans l’objectif de livrer en temps et en heure la version traduite d’un métrage.
Rendre la culture étrangère accessible au plus grand nombre
Tout comme la traduction écrite, la traduction audiovisuelle (ou TAV) a pour but de rendre accessible la culture étrangère au plus grand nombre. Son premier objectif est bien entendu que le contenu traduit devienne compréhensible dans une ou plusieurs langues étrangères. Mais elle implique également de conserver intactes l’intention de l’auteur, et les émotions qu’il a souhaité transmettre.
C’est pourquoi l’exercice du doublage, apparu au même moment que les prémices du cinéma parlant, est toujours réalisé par des comédiens. On les appelle souvent, à tort, des doubleurs. Mais en réalité, ce terme désigne le propriétaire d’une société de doublage.
Un exercice passé de l’ombre…
Au départ méprisé par de nombreuses personnalités (Jean Renoir, Louis Jouvet, Jacques François…), l’exercice du doublage et de la traduction audiovisuelle était vu comme une trahison de l’œuvre originale : parce qu’on perdait le jeu de l’acteur, les subtilités linguistiques (accents) ou encore la cohérence du contexte (une traduction en français pour une histoire se passant en Amérique, nuisant à l’immersion du récit par exemple).
… à la lumière (dans certaines cultures !)
Peu mis en avant dans les pays francophones, les exercices du doublage et de la traduction audiovisuelle sont bien mieux reconnus au sein d’autres nations, comme le Japon. Les comédiens chargés du doublage, nommés « seiyûs », sont tenus en grande estime, notamment grâce à la production massive de l’industrie de l’animation japonaise, qui représente à elle seule 60 % des séries animées mondiales. La subtilité tient au fait qu’il s’agit ici non pas de livrer une performance d’adaptation, mais de donner une voix aux personnages.
Rencontre avec Dubbing brothers, leader français de la traduction audiovisuelle et du doublage
Pour faire le point sur l’état actuel de la traduction audiovisuelle en France, Beelingwa a eu la chance de recevoir l’expertise de personnalités du célèbre studio de doublage français « Dubbing Brothers » :
- Sophie Ge, chargée de production de doublage,
- Fanny Nawracala, responsable détection,
- Pierre Fonsagrive, auteur-adaptateur de la série Les Feux de l’Amour,
- Didier Drouin, auteur-adaptateur de la série Game of Thrones.
Tous ont accepté de répondre à nos questions, et de nous livrer leurs expériences et avis personnels sur la traduction audiovisuelle.
Trente années d’expertise en traduction audiovisuelle et des clients prestigieux
Commençons par planter le décor ! Pour cela, nous avons demandé à Fanny Nawracala de nous présenter la société Dubbing Brothers en quelques mots :
« Avec près de trente ans d’expertise, la société Dubbing Brothers est devenue leader sur le marché du doublage. Elle s’est implantée à l’international avec des studios en Belgique, en Allemagne, en Espagne, en Italie et même à Los Angeles, bien que l’ensemble de la gestion se fasse en France, à la Plaine Saint-Denis, son studio mère. Nous comptons parmi nos clients l’exclusivité des productions cinéma Disney (Marvel inclus), des séries à succès comme Game of Thrones ou encore des produits Netflix. »
Traduction audiovisuelle : une méthodologie et des contraintes spécifiques
Contrairement à la méthodologie de traduction écrite, qui passe « simplement » par une phase de traduction puis de relecture/correction, la traduction audiovisuelle suit un cheminement bien plus compliqué.
Nous avons donc demandé aux experts de Dubbing Brothers de nous détailler le processus de validation d’une traduction audiovisuelle, et de nous éclairer sur les contraintes spécifiques liées à ce secteur.
Les étapes de la traduction audiovisuelle
Le premier point que tient à souligner Didier Drouin, au sujet de la traduction audiovisuelle, concerne le vocabulaire. Il précise en effet qu’en audiovisuel, on parle de « traduction-adaptation » plutôt que de « traduction ». Une fois cette précision apportée, voici comment il décrit le processus de validation d’une « traduction-adaptation ».
Etape 1 : la détection
La détection est réalisée par un détecteur. Celui-ci recopie tout le texte VO (sans oublier toutes les ambiances qui peuvent ne pas figurer dans le texte VO).
Pour cela, il peut procéder de 2 manières :
- Par copier-coller.
- À la « main » (en fonction des contraintes sécuritaires de mise à disposition du texte par le client), sur la bande rythmo du logiciel d’adaptation (Mosaïc, Erythmo…). Le tout accompagné de signes de détection précis, indiquant les changements de plans, les ouvertures/fermetures de bouche, demi-labiales, etc.
Etape 2 : la traduction-adaptation
La traduction-adaptation commence par une traduction proprement dite « à plat » (que dit précisément le texte VO). Puis, suit un travail d’écriture des phrases adaptées sur la bande rythmo du logiciel, sous la détection. On passe alors à une réelle adaptation multilingue du texte traduit, au cours de laquelle il faut faire face à plusieurs contraintes.
Par exemple :
- Le synchronisme des lèvres (« Dad » = « Papa », on ne peut rien y faire…).
- Le rythme des phrases et des acteurs en VO. Les inversions en anglais, par exemple, font que les appuis de jeu peuvent être différents en français. Il faut que cela reste transparent à l’écran.
- L’adaptation doit être fluide, « en bouche ». Les phrases traduites doivent être naturelles et non dans un français alambiqué, contraint par la synchro. Il faut aussi s’affranchir des tics et codes de langage de l’anglais. Les mots doivent correspondre à l’univers mental d’un locuteur français.
On peut noter qu’une phrase bien écrite et bien jouée peut se passer de contraintes de synchronisme. Il faut alors tourner autour des mots afin de rester proche de la VO, ou au moins de l’idée qui est exprimée. Le spectateur doit oublier qu’il regarde une version traduite en français !
CHECKLIST GRATUITE
Les secrets pour dénicher la meilleure agence de traduction
Etape 3 : la vérification
Cette étape consiste en la lecture, par l’adaptateur, de tous les personnages du film, en présence du directeur artistique qui va diriger les comédiens de doublage, et du client ou de la cliente.
Le rôle de chacun des intervenants en traduction audiovisuelle
Traducteur-adaptateur, directeur artistique, client… Finalement, qui possède le dernier mot quant à la version finale de la traduction-adaptation ?
Selon Didier Drouin, tout est une question de compromis en phase 3. La vérification de la traduction est une étape cruciale, au cours de laquelle chacun écoute les arguments et le ressenti de l’autre. Elle permet au directeur artistique de ne pas perdre de temps sur le plateau.
Des modifications de texte peuvent cependant être apportées, à la marge, lors de l’enregistrement par le directeur artistique et les acteurs, sans que cela ne devienne une seconde écriture du texte.
Entre fidélité et liberté : trouver le juste milieu en traduction audiovisuelle
Quel est le degré de liberté laissé aux traducteurs-adaptateurs ? Pour le savoir, Beelingwa a demandé à ses interlocuteurs si leurs clients avaient plutôt l’habitude de leur laisser carte blanche, ou de leur fournir des instructions précises (glossaires, vocabulaire adapté au public cible…).
Selon Didier Drouin, les instructions de traduction tacites de la part du client sont toujours les mêmes : être le plus fidèle possible à la VO et livrer une adaptation bien écrite, synchro, et qui se joue. Certains clients demandent de gommer les grossièretés. Quand un film compte 200 fois le mot « fuck », cela devient problématique… Sur les 35 mm, il y a une « Creative Letter », où sont précisées les demandes express du client.
Des tableaux sont aussi demandés, avec les traductions précises de certains termes qui devront être validés par la production. Autrefois, il pouvait y figurer la mention : « Free for talent » i.e. carte blanche. Aujourd’hui les contraintes de fidélité à la VO sont devenues plus fortes.
Pierre Fonsagrive confirme. Il faut selon lui « lisser » le vocabulaire pour certains programmes. Il ne s’agit pas forcément des gros mots (c’est surprenant en cela de penser que certaines traductions françaises sont bien plus policées que le programme original), cela peut aussi porter sur :
- Certaines tournures de langage, comme par exemple traduire en français « excusez-moi » plutôt que « je m’excuse ».
- L’usage de mots non français, notamment dans le langage courant où l’on emploie énormément de mots anglais.
- Les références religieuses qui sont à éviter en français, alors qu’elles sont fréquentes dans le langage américain.
- L’incitation à consommer de l’alcool.
- Les noms de marque puisque la législation française est plus stricte sur ce point que la législation américaine, par exemple.
Sophie Ge ajoute que, lors de l’écriture des premiers épisodes, les auteurs créent une bible de la série listant notamment les personnages, les tutoiements/vouvoiements, les noms récurrents, etc. Tous les termes sont ensuite validés par le client lors de la vérification. Suivant le public cible, l’auteur doit adapter en fonction. Un produit pour les enfants, par exemple, ne doit pas contenir de vulgarités ou d’images trop choquantes.
La place des acteurs de doublage dans le paysage audiovisuel
S’effacer ou imposer sa personnalité ?
En traduction classique, le traducteur est, en théorie, censé s’effacer derrière l’auteur original. Nous avons demandé aux experts de Dubbing Brothers si, en traduction audiovisuelle, le comédien doubleur devait lui aussi s’effacer derrière son homologue.
Une question à laquelle Didier Drouin répond par l’affirmative. Mais il précise que celui-ci doit conserver sa personnalité. Un bon acteur peut sublimer un jeu parfois un peu plat en VO. On ne compte plus les VF meilleures que la VO, grâce à eux.
Pierre Fonsagrive le confirme également. Bon gré, mal gré, il doit suivre la VO, coller aux mimiques, aux gestes, aux intonations, au body langage, en quelque sorte, du comédien VO. Il ne peut pas réinterpréter le rôle. Cela n’empêche pas qu’on puisse préférer une VF à une VO pour tout un tas de raisons.
Quand le public s’attache à la voix de l’acteur de doublage
La continuité d’un comédien envers la personne qu’il double est importante, en particulier pour les acteurs les plus célèbres. Nous nous sommes donc demandé ce qu’il se passait en cas de changement de voix. Comment se déroule notamment le passage de flambeau suite à un décès ? On pense par exemple à la disparition de Med Hondo, la célèbre VF d’Eddie Murphy !
Pierre Fonsagrive rappelle : un comédien n’est pas attaché à une voix jusqu’à sa mort, la plupart des grandes stars en ont d’ailleurs eu plusieurs au cours de leur carrière. Même s’il est vrai que le public s’attache parfois à l’une d’entre elles, jusqu’à croire que c’est la voix de l’acteur ! En un sens, d’ailleurs, il n’a pas tort : Med Mondo était bien la voix française d’Eddie Murphy.
Sophie Ge apporte quelques précisions :
- Si nous sommes sur une série que le comédien décédé avait déjà doublée, le client demande au directeur artistique quels sont ceux à qui ils pensent pour le remplacer. Cela se fait en fonction de la voix de l’interprète décédé et du rôle qu’il doublait. On fait alors des essais pour trouver celle qui colle le mieux au personnage.
- Si c’est sur un nouveau film avec Eddie Murphy par exemple, nous allons faire des essais pour sélectionner celle qui colle le mieux au personnage, sans prendre en compte le type de voix de Med Hondo.
Et Fanny Nawracala de conclure : C’est souvent une nouvelle qui affecte beaucoup de monde, mais « the show must go on » ! Dubbing développe depuis quelque temps une plateforme nommée Voice Match qui permet de regrouper des voix similaires et faciliter ainsi ses éventuels remplacements. Actuellement, ce passage de flambeau se fait par des castings ou des recherches effectuées au service production. Si l’acteur a déjà été interprété par d’autres comédiens, on ferait sans doute appel à eux en priorité. Si ce n’est pas le cas, un casting sera organisé par le directeur artistique et l’on enverra ce que l’on appelle des « essais de voix » au client, afin qu’il puisse déterminer qui lui paraît plus approprié pour jouer le rôle. Un comédien de doublage ne joue pas forcément toujours tous les rôles de l’acteur original non plus.
La question du respect de l’œuvre originale en traduction audiovisuelle multilingue
La cohérence, la continuité et l’héritage d’une traduction audiovisuelle
Il arrive, dans le cas de l’adaptation cinématographique multilingue d’un roman par exemple, que l’œuvre originale ait déjà fait l’objet d’une traduction en français. Le traducteur-adaptateur est-il alors tenu de se caler sur la traduction française originale dudit roman ?
Pour Didier Drouin, d’un roman traduit en français, on ne gardera que les noms propres, même s’ils ne sont pas « synchrones ». Se caler sur la traduction française générerait en effet des problèmes de droits d’auteur. Et si on prend les auteurs russes, par exemple, il y a autant de traductions différentes que de traducteurs.
Pour Pierre Fonsagrive, s’il s’agit d’un roman qui s’est rendu célèbre par sa traduction, alors, oui, le traducteur-adaptateur est tenu de se caler sur la traduction originale.
Pour Fanny Nawracala, tout dépend de l’exigence du client : si celui-ci souhaite ou non rester fidèle à la traduction originale. Le script original reçu contient souvent des notes de traduction pour aiguiller l’auteur-adaptateur dans son travail.
Les erreurs de traduction ou partis pris au sein d’une saga
Pour finir, nous nous sommes interrogés sur le cas des erreurs et/ou choix de traduction multilingue au sein d’une saga. Quelle stratégie adopter dans cette situation : agir dans le respect du sens original, ou dans celui d’un choix de traduction audiovisuelle antérieur ?
Par exemple : faut-il choisir de rectifier le nom d’un personnage mal traduit d’un film à l’autre, ou au contraire continuer sur cette mauvaise traduction afin de respecter la cohérence ?
Didier Drouin estime qu’a priori, on reste constant dans l’erreur… sauf si celle-ci est trop grossière. Tout est question de dosage et de volonté du client !
Pour Pierre Fonsagrive, ce qui est surprenant, c’est d’imaginer qu’une traduction ait pu être approuvée dans un premier temps, puis contestée. L’exemple de Star Wars est célèbre, puisque tous les noms changent entre le 1er épisode et les suivants.
Cela ne veut pas dire qu’il s’agissait d’une mauvaise traduction, mais simplement d’un changement de sensibilité. Changer de traduction « en cours de route », c’est comme changer de trajectoire ou d’idée, ce n’est pas très sérieux. C’est aussi absurde de changer de nom d’un épisode à un autre, que de le faire au milieu d’un film. Il faut donc l’éviter même si on a une meilleure idée par la suite. Il précise malgré tout ici que le rapport à la traduction a considérablement changé avec le temps (et continuera encore de changer) et que certaines choses qui se faisaient à une époque ne se font plus du tout aujourd’hui. Plus l’acculturation est forte, moins on « traduit ».
Intéressé par leurs travaux de doublage et de traduction audiovisuelle ? Pensez à visiter leur site pour plus de renseignements : https://www.dubbing-brothers.com/
CHECKLIST GRATUITE
Les secrets pour dénicher la meilleure agence de traduction